Les méthodes de blanchiment d’argent décryptées

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En ce 30 juillet 2024, l’Espagne vient de réaliser une saisie record en Europe : 25 millions d’euros en liquide. Ce coup de filet dévoile encore une fois l’ampleur des techniques de blanchiment d’argent utilisées par les criminels. Pirates, trafiquants de drogue, escrocs en tout genre : tous ont besoin de dissimuler l’origine illicite de leurs fonds. Mais comment s’y prennent-ils vraiment ? Entre les combines artisanales comme les faux gains au PMU et les réseaux complexes de sociétés fictives, plonger dans les arcanes du blanchiment d’argent révèle des méthodes aussi ingénieuses qu’inquiétantes.

Les techniques artisanales du blanchiment : des faux gains aux petits commerces

Pour les petites frappes de l’arnaque au SMS ou des virements frauduleux, la première difficulté est de ne pas se faire repérer par les autorités. Envoyer l’argent directement sur son compte personnel ? Un billet express pour la prison. Les cybercriminels ont donc recours à des techniques plus subtiles, notamment le vol d’identité. En récupérant des photos de pièces d’identité via des annonces trompeuses (location d’appartement sur le Boncoin, par exemple), ils ouvrent des comptes bancaires sous de faux noms. Mais avec les néobanques et leurs procédures de contrôle strict (comme la vérification vidéo), les failles se referment rapidement.

Autre technique : les faux gains au jeu. Inspirée par Francis le Belge, cette méthode consiste à racheter des tickets de jeux gagnants dans des PMU. Lorsqu’ils encaissent ces gains, les criminels obtiennent des reçus légitimes qu’ils peuvent présenter aux banques pour justifier des dépôts en espèces. En 2017, une bande criminelle avait poussé cette technique à un niveau industriel, rachetant des tickets gagnants à tour de bras. Mais attention aux excès : des gains répétitifs et conséquents dans un même lieu finissent par susciter des doutes.

Les marchés parallèles : casinos et cryptomonnaies

Pour des sommes plus importantes, les criminels se tournent souvent vers les casinos ou les cryptomonnaies. Les casinos, avec leur afflux constant d’argent liquide, sont des lieux parfaits pour convertir de l’argent sale en argent propre. Un criminel peut acheter des jetons avec son argent sale, jouer quelques parties pour ne pas éveiller les soupçons, puis échanger les jetons restants contre un chèque du casino. Ce chèque, légitime, peut ensuite être déposé en toute sécurité sur un compte bancaire.

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Les cryptomonnaies offrent une autre alternative. Avec des transactions anonymes et décentralisées, elles facilitent le blanchiment d’argent à grande échelle. Les criminels peuvent convertir leur argent sale en bitcoins ou autres cryptomonnaies, puis les reconvertir en devises traditionnelles via des plateformes d’échange souvent peu regardantes sur l’origine des fonds.

Les montages financiers complexes : sociétés écrans et réseaux internationaux

Pour les criminels de haut vol, les méthodes artisanales ne suffisent plus. Ils passent alors aux montages financiers complexes. L’une des techniques les plus sophistiquées est celle des sociétés écrans. Ces entreprises de façade, souvent situées dans des paradis fiscaux, permettent de dissimuler l’origine des fonds. Par exemple, un criminel peut créer une société au Delaware, un État américain réputé pour sa discrétion. Cette société ouvre un compte bancaire traditionnel en France, rendant les virements bien plus crédibles.

Mais pour brouiller davantage les pistes, il faut multiplier les transactions et franchir les frontières. L’argent sale transite alors par plusieurs pays, chacun ajoutant une couche supplémentaire de complexité. Parfois, les criminels passent par des mandataires, des hommes de paille qui gèrent les sociétés en leur nom. Ces mandataires signent de faux contrats et de fausses factures, donnant une apparence de légitimité aux transactions.

L’ère des réseaux numériques : des mules financières aux éleveurs

L’ère numérique a également donné naissance à de nouvelles pratiques. Les mules financières sont des personnes qui prêtent leur compte bancaire pour faire transiter de l’argent. Souvent recrutées via des arnaques sentimentales ou de fausses offres d’emploi, ces mules ignorent tout du véritable but de leur mission. Elles risquent pourtant gros : interdits bancaires, amendes exorbitantes, voire prison. Les criminels utilisent alors des éleveurs, spécialistes du recrutement de mules et chargés de vérifier la fiabilité des transactions.

L’expertise des paradis bancaires : secrets et cavalerie

Les paradis bancaires restent des destinations prisées pour dissimuler des fonds. Dans ces pays cultivant le secret bancaire (Vanuatu, Îles Vierges), même les autorités locales ne peuvent accéder aux données financières. C’est ce qu’a fait Frank Jurado, un génie de la finance recruté par le cartel de Cali dans les années 80. Jurado a imaginé un montage complexe, la classification de Jurado, où l’argent transite par 16 pays, 68 banques et 115 comptes avant d’atterrir sur le compte final en Europe. Cette cavalerie financière rend la traçabilité extrêmement difficile pour les autorités.

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En 2020, Europol a démantelé une organisation utilisant une stratégie similaire. Contre une commission de 50 %, ce syndicat proposait aux cybercriminels un service de blanchiment clé en main, avec des bankdrops et des sociétés écrans dans plusieurs pays. L’argent passait par un réseau de transactions avant d’atterrir propre sur le compte final du client.

L’argent au bon endroit : la Suisse et les avantages en nature

Finalement, où placer cet argent blanchi ? Les paradis fiscaux ne servent pas uniquement à cacher des fonds. Ils permettent aussi de profiter de cet argent. Par exemple, une société écran peut embaucher le criminel pour des missions de conseil fictives ou lui accorder des avantages en nature : voitures de luxe, villas au bord de la mer, etc. De plus, des pays proches de la France comme la Suisse offrent des comptes bancaires avec des cartes de retrait anonymes utilisables partout dans le monde.

Le rôle des autorités et les défis futurs

Face à ces techniques de plus en plus sophistiquées, les autorités ne restent pas inactives. Tracfin, l’agence française de lutte contre le blanchiment, collabore avec ses homologues étrangers pour suivre les transactions suspectes. Mais les criminels redoublent d’ingéniosité et exploitent chaque faille possible. Les algorithmes de surveillance des banques s’améliorent, mais la coopération internationale reste un enjeu crucial pour combattre efficacement le blanchiment d’argent.

Conclusion

Le blanchiment d’argent est un véritable jeu du chat et de la souris. Les criminels développent des techniques toujours plus élaborées pour dissimuler l’origine de leurs fonds, tandis que les autorités affinent leurs outils de détection et de collaboration. Des faux gains au PMU aux réseaux complexes de sociétés fictives, le blanchiment d’argent est un univers où se mêlent ingéniosité, manipulation et fraude. Comprendre ces méthodes permet de mieux saisir l’ampleur du défi et l’importance de la lutte contre cette criminalité financière. En fin de compte, c’est une bataille où chaque avancée technologique et chaque nouvelle législation peut faire pencher la balance.